En tant que kinésithérapeute, avec une expérience sur les tournois ITF junior, j’ai
observé de près la réalité des jeunes joueurs africains qui participent à des
compétitions internationales comme les ITF J30 et J60. Ces talents sont souvent
confrontés à un manque de connaissance, notamment en ce qui concerne les
routines d’échauffement, d’étirements et de mobilité. Ces pratiques sont essentielles
non seulement pour préparer le corps avant un entraînement ou un match, mais
aussi pour optimiser la récupération, prévenir les blessures et améliorer la
performance.
Les défis structurels du tennis africain
Le tennis en Afrique progresse, mais il fait face à des défis structurels majeurs.
L’accès aux infrastructures est limité, parfois vétustes, et le suivi médical fait
cruellement défaut. De nombreux jeunes s’entraînent sous des conditions difficiles,
avec des équipements inadaptés. Sur le circuit ITF J30 et J60, ces joueurs sont
souvent désavantagés face à leurs adversaires mieux préparés physiquement,
techniquement et mentalement.
Sans une routine d’échauffement, une gestion adéquate de la récupération, et un
suivi spécifique, les blessures (entorses, tendinopathies de la coiffe des rotateurs,
tennis elbow, douleurs lombaires) surviennent rapidement. Un encadrement structuré
et des bases solides pourraient pourtant transformer leur parcours.
La préparation physique commence par un bilan complet
Avant même de parler de puissance, d’endurance ou de coordination neuro motrice,
la préparation physique doit débuter par un diagnostic précis. Chaque joueur a une
morphologie, un historique, un objectif et un style de jeu unique. Une bonne
préparation physique commence toujours par :
Un bilan des antécédents de blessures, essentiel pour identifier les
faiblesses et éviter les rechutes.
Une analyse du style de jeu : un joueur agressif de fond de court n’aura pas
les mêmes besoins qu’un attaquant-volée ou un contreur.
Un test physique de mobilité et de force pour détecter les déséquilibres
musculaires et adapter les exercices en conséquence.
Dans le contexte africain, ce type de suivi est rare. Beaucoup de jeunes athlètes
jouent en répétant les mêmes erreurs, sans correction posturale ni programme
individualisé. Résultat : des douleurs récurrentes et une progression freinée.

Il discute avec le patient.
Maîtriser la biomécanique pour optimiser la performance
Un coup de tennis efficace est une chaîne de transmission d’énergie où chaque
maillon a son importance.
Tout commence au sol : des chevilles stables et réactives assurent des appuis
dynamiques, indispensables sur des surfaces souvent irrégulières comme les courts
en latérite.
Les jambes sont le moteur : les quadriceps, les ischio-jambiers et les fessiers
génèrent la poussée. Un bon joueur sait alterner entre des phases explosives
(accélérations, reprises d’appui) et des phases de contrôle pour maintenir son
ancrage au sol.
Le bassin est la charnière : une sangle abdominale forte permet un transfert fluide
de la force du bas vers le haut du corps. Beaucoup de jeunes joueurs négligent ce
travail, ce qui entraîne des compensations et des douleurs lombaires fréquentes.
L’épaule, souvent exposée aux blessures, doit être mobile et stable à la fois. Sans
ce contrôle, le risque de tendinopathie des muscles de la coiffe des rotateurs
augmente, notamment avec des terrains rapides et des balles lourdes.
Enfin, le poignet finalise le geste, il donne l’effet et le contrôle. Un mauvais contrôle
peut entraîner des blessures comme le tennis elbow ; trop rigide, il limite la fluidité ;
trop relâché, il manque de précision. C’est là que se joue la différence entre un lift
efficace et une balle qui sort de deux mètres.
Un accès limité aux ressources et à l’encadrement
Dans de nombreux pays africains, ces principes restent théoriques faute d’accès aux
préparateurs physiques, aux kinésithérapeutes du sport ou même à des entraîneurs
formés à ces exigences. Les familles, déjà contraintes financièrement par le coût du
matériel et des compétitions, ne peuvent souvent pas se permettre un
accompagnement spécifique.
Face à ces réalités, il devient impératif d’intégrer ces bases dès le plus jeune âge,
dans les académies et les clubs. Il ne s’agit pas uniquement de former de futurs
champions, mais d’éviter des blessures qui peuvent briser des carrières avant même
qu’elles ne commencent.
Construire un environnement propice à la performance
Un joueur bien préparé, c’est aussi une alimentation adaptée à son environnement.
Pourquoi ne pas intégrer les ressources locales ? Le mil, le fonio, le jus de bouye
sont riches en nutriments et peuvent être optimisés pour un apport énergétique
adapté.
L’aspect mental est tout aussi crucial. Jouer sous 35 degrés, voyager seul pour un
tournoi, gérer la pression d’un match serré… La gestion du stress et des émotions
doit être travaillée dès l’entraînement, via des techniques de respiration et de
visualisation.
Pour libérer le potentiel des jeunes talents africains, il suffit parfois de peu : quelques
équipements simples comme des élastiques, des bosus, des échelles de rythme, et
des exercices ciblés de préparation physique. Avec des méthodes de prévention
adaptées, des échauffements, des étirements et une hygiène de vie rigoureuse, on
peut déjà faire une réelle différence.
Il est aussi essentiel d’intégrer une formation continue pour les coachs et un suivi
médical, car les bases de la performance se posent sur la santé. L’exemple de
Jabeur, une star du tennis tunisien, démontre que l’Afrique a tout ce qu’il faut pour
briller. Mais pour qu’elle devienne une terre de champions, il faut structurer un
écosystème solide et adapté aux réalités locales.
Joackim Dadjo
Masseur Kinésithérapeute
Educateur Sportif